M110

[Vincent Boudon]

M31 c'est bien trop facile. Amis astrophotographes, visez donc M110 (juste à côté) :

https://www.webastro.net/forums/topic/1 ... 0jB3qoWiZU



Bon, certes, un télescope de 1 m ça aide. Mais c'est un détail

[Vincent Boudon]

Explication de Sege Brunier :

Parfois, il en est des images scientifiques comme des œuvres d'art : elles ne sont pas immédiatement accessibles. Nous comprenons, et aimons, le plus souvent, les images que nous connaissons depuis longtemps : la nébuleuse d'Orion, la galaxie des Chiens de Chasse, la planète Saturne...
L'image que je vous propose aujourd'hui n'est pas d'accès immédiat, pourtant, je prend le ciel en photo depuis près d'un demi siècle, et pour moi, c'est l'une des deux ou trois plus importantes images que j'ai faites...
Pour tout dire, elle est absolument sidérante. Mais elle exige, un, une petite explication, deux, que vous l'ouvriez en grand sur votre écran d'ordinateur, sinon, vous passerez à côté...
L’équipe de l’Observatoire C2PU m’a encore donné l’occasion de réaliser un rêve : photographier l’envoûtante galaxie NGC 205 (M 110), le grand satellite de M 31. Cette galaxie est fascinante, parce qu’elle change brusquement de statut, vers la magnitude 22, lorsqu’elle est, d’un seul coup, résolue en étoiles. Sur nos images d’amateurs, elle apparait comme un ovale régulier, lisse, c’est une galaxie elliptique naine, juste particulière parce que des nuages de gaz apparaissent non loin de son cœur. Passé 22 environ, c’est un vertigineux poudroiement stellaire, totalement inaccessible aux petits télescopes…
Il y a une quarantaine d’années, j’avais « redécouvert » cette galaxie dans un livre de Allan Sandage, sur une image prise par le télescope de 5 mètres du mont Palomar, en 1 h 20 min, sur une plaque 103 aE. A l’époque, les astronomes guidaient directement dans une cage d’observation située au foyer primaire, ils étaient au coeur même du télescope, tournant avec lui, à l'affût de l'origine du monde. Pour moi, quel choc : sur la photographie, la galaxie était entièrement résolue en étoiles, un poudroiement sidéral, sidérant…
Ces dernières semaines, avec le télescope Omicron C2PU de l’Observatoire de la Côte d’Azur, j’ai pu cumuler 12 heures de luminance, et 1 h de RVB, dans de bonnes conditions d’observation, parfois presque "spatiales", mon ami David Vernet étant une nuit obligé de me réveiller pour que je soigne mieux la mise au point...
J’ai empilé les images prises par la caméra QHY 600 avec Siril, et c’est Jean-François Bax qui a magnifiquement traité l’image…
Mon immense surprise, avec cette image, au-delà de la résolution de la galaxie en étoiles, c’est de résoudre aussi, le « pont » d’étoiles entre NGC 205 et M 31.
Nous n’avons pas encore mesuré la profondeur de l’image, mais elle doit être au moins aussi profonde que notre galaxie M 101, on voyage vers la magnitude 25.3…
Le module de distance de NGC 205 étant de 24.5, ce que vous voyez sur cette photo, ce sont toutes les étoiles plus brillantes que M : 0.8, c’est-à-dire les géantes rouges de NGC 205 et M 31… Ce sont, pour fixer les idées, des étoiles comme Pollux, ou Aldébaran, ou le Soleil dans 5 milliards d’années… Voilà : presque toutes les étoiles que vous voyez ici sont d'anciens soleils rouges...
En réalité, cette photo ne montre qu’une infime partie de la partie émergée de l’iceberg : il y a peut-être près de un million d’étoiles sur l’image, quand NGC 205 en compte près de un milliard, soit mille fois plus…
Le plus étonnant, dans cette image pourtant très profonde, c’est la quasi absence de galaxies de fond… Sur toutes nos images profondes, elles saturent le fond de ciel, là, rien : juste des soleils, situés à 2.5 millions d’années-lumière d’ici…