Supernova spéciale, simulation et première mondiale

il n'y a pas que l'astro dans les sciences.
Répondre
Avatar de l’utilisateur
Florian Alonso
Messages : 16
Inscription : jeu. 16 oct. 2014 22:45
Pseudo : Lagides
Localisation : Lyon/Dijon
Contact :

Supernova spéciale, simulation et première mondiale

Message par Florian Alonso » sam. 30 sept. 2023 16:09

Hello tout le monde !

Les supernovæ sont des phénomènes absolument fascinant qui signent la mort (immédiate ou imminente) des étoiles massives. Il en existe plusieurs types, associés chacun à des profils observationnels spécifiques. Il y a deux semaines est sorti un intéressant article qui parlait d'un type peu connu de "supernova" : les supernovæ pulsantes par production de paires, associé à une première mondiale, celle de la première simulation d'un tel phénomène en 2D et 3D. J'ai écris un petit texte à ce sujet, centré principalement sur ce type de supernovæ, et qui parle un peu des problématiques de modélisations.

L'article originale est disponible ici : https://iopscience.iop.org/article/10.3 ... 357/ace968

Et pour vous mettre en appétit, une petite image extrait de l'article :
Image
"Snapshot of the 3D κ = 0.2 run at 282 days. The four quadrants show radial velocity, gas temperature, radiation flux, and gas density. The pink arrows in the radiation flux show its direction. The white dashed circle marks where the shell begins to deviate from spherical symmetry."


Vers la fin de leur vie quand elles brûlent du carbone, les étoiles de plus de 100 masses solaires commencent à produire des photons de haute-énergie. Plus l’énergie d’un photon est élevé, plus il est susceptible d’interagir avec un noyau atomique. Et ce genre d’interaction signe l’arrêt du mort du photon : il disparait alors en formant une paire électron-positron. Or, qu'est-ce qu'on trouve dans les étoiles ? Plein de noyaux atomiques ! Les étoiles sont des réacteurs thermonucléaires autorégulés : la pression de radiation générée par les photons issus des réactions de fusion tend à dilater l'étoile, mais cette pression est contrebalancée par les forces de gravité qui tendent à comprimer l’étoile. Mais problème : le processus de création de paires consomme de précieux photons contribuant à la pression de radiation.

Ainsi, à cause de ce phénomène, l’étoile ne peut plus contrebalancer la gravité et son cœur commence à se contracter. Ce faisant, ce dernier augmente en température, et commence à produire de nouveaux photons de plus haute énergie encore, qui interagissent donc encore plus avec les noyaux atomiques. Grâce à ces nouveaux photons, la création de paires électrons-positrons accélère, ce qui diminue encore plus la pression de radiation, accélérant encore plus la contraction du cœur et son augmentation de température (notons au passage que, grâce à une composition ou des propriétés cinétiques spécifiques, certaines étoiles parviennent à résister à ce phénomène). Cela continue jusqu’à ce que le cœur atteigne une température permettant la fusion explosive de l’oxygène (produit par des réactions de fusions antérieures).

Si la masse de l’étoile est suffisante, l’explosion est telle que l’étoile est détruite sur le coup : c’est ce qu’on appelle une supernova par production de paires. L’étoile est complètement détruite, il n’y a donc pas formation d’un trou-noir ou d’une étoile à neutron à l’issue de ce type de supernova (sauf si l’étoile est vraiment très massive, auquel cas il en résulte un trou-noir). Mais si la masse de l’étoile n’est pas suffisante, l’explosion va simplement en expulser les couches superficielles sans la détruire. Ce phénomène de par sa luminosité prend l’aspect d’une supernova. Le surplus d’énergie libérée par l’explosion, associé à une diminution de la masse de l’étoile permet à son cœur de se dilater et donc de se refroidir. Mais la création de paires a tôt fait de reprendre son travail de sape de la pression de radiation, et le cœur se contracte de nouveau. Il s’ensuit une nouvelle explosion, qui permet de nouveau au cœur de se dilater, et ainsi de suite. En outre, les couches expulsées successivement peuvent entrer en collision les unes avec les autres, produisant un flux extrême de photons, similaire à ce que des supernovæ peuvent produire. C’est ce qu’on appelle une supernova pulsante par production de paires. Notons que ce n’est pas réellement une supernova, car l’étoile n’est pas détruite par ce phénomène (c'est ce qu'on appelle une supernova imposteuse).

Au bout d’un certain nombre de cycles, l’étoile a expulsé assez de masse pour enrayer ce phénomène, elle se stabilise donc. Mais elle reste néanmoins très massive et elle est toujours en fin de vie. A l’issue d’une supernova pulsante par production de paires s’ensuit donc une véritable supernova résultant du simple effondrement gravitationnelle de l’étoile.

Ces mécanismes sont encore purement théoriques, et les candidats observationnels possibles n’ont pas encore été confirmés. L’un de ces candidats au titre de supernova pulsante par production de paires est l’étoile principale du système stellaire Eta Carinae, célèbre pour sa nébuleuse-diabolo l’entourant, dont l’explosion observée au milieu du 19ème siècle fut si importante que le système devint temporairement en 1843 la deuxième étoile la plus brillante du ciel. Des sursauts de luminosité de moindre importance ont été observés à intervalles irréguliers depuis lors.

Les équations régissant de tels systèmes sont compliquées, et pour les résoudre, on passe par de la simulation informatique. Ces simulations numériques nous permettent de savoir ce que l'on doit chercher (si on cherche à trouver des supernovae pulsantes) ou au contraire d'analyser et comprendre les observations déjà faites. Jusqu'à présent, pour des raisons principalement techniques, seul des simulations en 1D étaient effectuées, Et pour la première fois, des chercheurs ont réussie à simuler en 2 et en 3 dimensions une supernova pulsante par production de paires ! Les simulations antérieurs 1D étaient incomplètes : des phénomènes d’instabilité hydrodynamiques impactant les répartitions et les flux de matières et d’énergie au sein de la supernova pulsante ne se révèlent pleinement qu’en 2D ou 3D, ce qui modifie le profil observationnel simulé d’un tel phénomène.
La curiosité est un devoir : celui de savoir.

Répondre